Magali

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Découvrez la nouvelle "Magali", de Gala Fur.

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Extrait

Qui m’avait offert cette perruque brune ? En la coiffant sur la tête de Louis, un petit homme coincé chef d’entreprise dans le civil, j’ai l’impression de manipuler du crin de cheval. D’un œil critique, je scrute les lèvres épaissies au crayon rouge carmin, fuselés au deux tiers de la courbe. Sous le regard sans fards de “ Maîtresse ”, les pupilles de Magali vacillent.

- Montre-toi en femme. Marche !

Le travesti pratique le talon haut. Des escarpins de bourgeoise qu’il est allé choisir sur le boulevard de Clichy “ pour sa femme ”. Louis n’a pas l’occasion d’incarner son alter ego en dehors de mon appartement. Au bureau, il garde parfois un teddy sous son pantalon de costume, une grande culotte large façon grand-mère serrée comme une gaine.

-  Plus haut, le regard. Ce sont tes pieds qui marchent.

Magali relève la tête sous son chapeau de soleil. La jambe tendue, le genou raide, elle balance le petit sac à main que je lui ai prêté, une vieillerie démodée qu’elle tient par sa chaînette en métal doré. Elle exécute une sorte de pas de l’oie que je le lui ai enseignée, une technique de travestis pour marcher sans plier le genou. Chinée dans un dépôt vente, sa robe violette fait vintage sous les rangs de perles jaunies. 

À la suite d’un dialogue sur Minitel, Magali s’était mise à m’envoyer des courriers dont je me délecte à mes moments perdus : Gang bang au pensionnat de jeunes filles, élèves délurées sanglées de godes ceintures dans la cour de récréation, godemichés à piston remplis de lait au dortoir, éclaboussures, applaudissements aux viols réitérés de la pauvre Magali. Des pensionnaires qui font le mur la nuit une paire d’escarpins à la main. Au pensionnat où j’avais passé le cap de la puberté, aucune fille ne rêvait de faire le mur pour se pavaner sur des chaussures à talons aux Champs Elysées.

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Lassée des leçons de maintien identiques d’une semaine sur l’autre, j’opte ce soir pour des travaux pratiques en plein air. Magali doit se trouver à 21 heures sur mon paillasson, drapée dans un imperméable. L’ancien water-closet de mon palier lui sert à entreposer ses falbalas, ses robes, ses déshabillés en rayonne, ses nuisettes en polyester transparent, ses gaines et ses corsets de chez Scandale.

Je m’habille en loubarde pour affronter le périph, pantalon de cuir étroit sous mon blouson, une paire de baskets aux pieds. Magali sonne à ma porte, puis court jusqu’au local à poubelles, attendre mon coup de klaxon. Aucun voisin ne doit faire le lien entre cette créature en imperméable beige, et la propriétaire de la Mercedes.

- En voiture, Magali !

 On dirait une secrétaire en goguette qui saute sur le siège. Au feu rouge place de l’Opéra, dans la lumière blanche du plafonnier, j’examine son visage croûté par le mélange du fond de teint et de la poudre. L’ombre bleutée des paupières commence à se déliter. L’odeur métallique de son appréhension me dérange. Des relents de menstruation… Sous son manteau de pluie, Magali porte une minijupe jaune. Des pinces métalliques accrochées au bout de ses seins tendent le tissu du soutien-gorge de grand-mère sous la dentelle du chemisier. 

Porte de Saint-Ouen, sur la portion des boulevards extérieurs conquise par les travestis algériens, je ralentis. De gros camions aux conducteurs affamés de sexe avachis dans la cabine, quatre ou cinq prostituées dépoitraillées en cuissardes. Deux travestis mordent dans le même sandwich. Un autre urine contre le mur d’un souterrain où les voitures s’engouffrent. Sur le côté Nord de la voie express, des voyeurs en berlines noires ou grises, des dragueurs louches, cigarette au bec.

La main de ma passagère tient la poignée de soutien au-dessus de sa portière. La tête haute, elle toise ses concurrentes avec le sentiment d’être protégé par le luxe de l’habitacle.

- Ces gens fantasment sur des femmes à pénis comme toi, Magali.

-  Vous croyez, Maîtresse ?

Garée le long du trottoir, je coupe le moteur.

-  Débarrasse-toi de ton imperméable. Tu vas tapiner.

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Magali obéit. Un camionneur quitte son volant pour approcher cette brune en dentelles, frissonnante dans les courants d’air du boulevard. Je le vois dans le rétroviseur, en train de la questionner. Le prix… Fantasme masculin de se vendre comme une femme, d’être loué par “ Maîtresse ”… Le camionneur sort un billet de sa poche. Magali recule, se détourne. Elle se dirige vers la voiture au moment précis où je démarre. Elle court en gesticulant dans ma direction, sa minijupe jaune soulevée par le vent. Je freine brutalement lorsque je vois que l’homme la poursuit. Le camionneur ralentit. Il espère qu’elle va se tordre un pied, tomber sur le trottoir, à sa merci. J’entends ma soumise qui implore :

- Madame ! Venez lui parler… Je vous en prie… Madame ! 

Elle est à quelques enjambées de mon coffre lorsque j’écrase l’accélérateur. L’homme accélère. Cette fois, il la talonne. Il lui met la main aux fesses, la pousse pour la renverser, peut-être la violer couchée sur l’asphalte. Il la tient fermement par un bras. Je la vois qui grimace sous la pression. Je m’amuse de ses émotions fortes à se sentir femme. Je ris toute seule derrière le volant. Lorsque je la vois s’affaisser, puis tomber à genoux devant l’homme, j’enclenche la marche arrière. Je l’appelle par la vitre ouverte :

- Magali ! On s’en va ! 

Le travesti saute dans la voiture en marche. Il sanglote pendant que je roule à tombeaux ouverts sur le boulevard.

-  Madame, c’est trop pour moi… Je ne peux pas sucer comme ça… Sans capote… 

- Allons Magali, tu fais des manières. Tiens, regarde ce que j’ai apporté pour te garnir, une fois que tu te seras fait sodomisée par un camionneur.

Je lui tends une serviette hygiénique, une “ super ” pour la nuit, entourée de deux languettes autocollantes.

- Mets-la tout de suite. Je préfère te savoir garnie avant de te lâcher sur le terrain vague où je te conduis. Tu risquerais de souiller ton siège.

La serviette hygiénique agit comme un bonbon qu’on tend à un enfant : les pleurs de Magali se tarissent. Les jambes ouvertes, elle se contorsionne pour glisser la serviette dans sa culotte à travers l’élastique qui ferme la taille. Je freine au moment où elle décolle ses fesses du siège. Projetée en avant, elle doit à sa ceinture de sécurité de ne pas s’éclater le front contre le pare-brise.

- Madame, vous conduisez un peu vite par rapport à la limitation… ose-t-il timidement, le menton rentré dans la poitrine.

- Depuis quand une soubrette fait-elle des remarques à sa maîtresse ?

- Pardon Madame, c’était juste parce que…

Je fais demi-tour. Donnant un coup de volant, je gare la voiture à proximité d’un groupe de travestis.

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- Va dire à tes semblables que ta Maîtresse roule trop vite.

-  Oh, Madame, pitié ! Je n’oserai pas ! Ce sont des professionnelles, des personnes dangereuses…

- Tu rêves de devenir une roulure toi-même ! Alors vas-y.

La dureté de ma voix l’impressionne. Elle ouvre la portière, met un pied dehors comme pour mesurer la température de l’eau, se lance. Elle tortille des fesses en avançant vers le trio qui la regarde venir en silence. Mal à l’aise devant ses semblables, elle se frotte les bras pour se réchauffer. L’un des travestis met les mains sur les hanches et jauge l’arrivante en mâchant son chewing-gum. Marchant sur le bord du trottoir avec précaution, Magali essaie soudain de se donner une contenance, hélant de la main un camion qui avance au ralenti. Mais les travestis lui foncent dessus. L’une d’elles tient un parapluie dont elle la roue de coups. Je démarre en vitesse, et je m’arrête à leur hauteur en leur criant :

- Lâchez-le ! C’est mon soumis ! Une mise à l’épreuve !

- Tu ferais mieux d’aller tester ton esclave ailleurs ! C’est chasse gardée, ici ! Compris ?

Magali se carre dans son siège. Elle ne dit pas un mot sur le chemin du retour. Arrivée au palier du troisième étage, je lui murmure d’une voix douce “ bonne nuit, Magali ” en ouvrant la porte de mon appartement, tandis qu’elle s’engouffre dans le cagibi pour passer sa tenue de ville.

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FIN

Le saviez-vous ? Gala Fur a aussi écrit le Dictionnaire du BDSM, pour mieux comprendre tous les termes utilisés dans l'univers BDSM.

Nouvelle érotique écrite par Gala Fur, parue dans la revue RAVAGES.


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