Histoire véridique de Mlle C.

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Extrait du livre érotique "Histoire véridique de Mlle C. de C. devenue fille des rues " écrit par Déodat de Montclos.

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Histoire véridique de Mlle C. de C. devenue fille des rues (extrait)

Chapitre 11

"La scène ressemblait à un rêve. Mais je ne rêvais pas. Au demeurant, j’ai toujours peu rêvé. Peut-être par manque d’imagination. Je me rappelle ces figures, ces yeux, ces corps, comme si tout cela datait d’hier, avec une acuité ! Et cette fièvre que je ressens encore, intacte, à l’intérieur de mes membres. À cause des ombres, qui se multipliaient entre les murs et le plafond en pente, on aurait dit soudain une foule excitée, bousculée par un vent mystérieux dans l’espace clos de la chambre.

— Voici Steffie ! m’avait-on présentée un moment plus tôt, telle une prise de guerre. Steffie vous attendait.

 

Puis Monsieur, que je voyais de profil, avait repoussé la porte. Il avait manœuvré les deux verrous huilés après avoir tourné la clé dans la serrure, la dernière fille une fois entrée. Puis il s’était éclipsé dans la pièce attenante, me livrant nue à la foule. Le plancher craquait partout à la fois, bien qu’il fût à peine effleuré par un grouillement de pieds livides. J’étais fascinée. J’aurais dû être alarmée, sans doute, sinon épouvantée, me lever, prendre la fuite. Au lieu de quoi je demeurais étendue, parfaitement immobile sur le petit lit à armature de fer, les regardant toutes tourner autour de moi en silence dans un ballet évoquant une sorte de rituel vaudou.

 

Nos sept bonnes étaient là : Saoundra, Xénia, Amaia, Hermosa, Jovana, Noelia et Nina. J’étais fascinée. À peine distinguais-je leurs mains au passage ; elles ne me touchaient pas, ni ne faisaient le moindre geste dans cette intention. Simplement, on me regardait, tout en frôlant le lit. On regardait mes seins, mon ventre, mon entrecuisse béant. Oui, comme un rêve, c’était comme un rêve, hors de portée du temps. Et je n’étais même pas étonnée de n’y ressentir rien. Était-ce normal ? Oui, puisque mon Maître avait désiré que les choses se passent ainsi. Cela dit, j’ignore combien de temps aurait duré ce manège s’il n’avait bientôt reparu. Je ne l’avais pas vu rentrer. Probablement va-t-il se laver les mains, avais-je songé lorsqu’il s’était éloigné quelques minutes plus tôt. C’était son habitude chaque fois que nous nous retrouvions ici, lui et moi. Mais, cette nuit-là, ce ne fut pas le cas. Il était allé chercher quelque chose que d’abord je ne suis pas parvenue à identifier, à cause des filles : elles élevaient un rempart entre nous. Et c’est cela qui, paradoxalement, m’a alors tracassée : ces objets qu’il tenait à la main, parce qu’il m’a semblé qu’il en tenait plusieurs, qu’il s’efforçait de dissimuler à ma vue.

 

J’étais intriguée. Fors la vaseline qu’il extrayait d’une de ses bonbonnières en porcelaine, dans le dessein de m’en lubrifier l’anus et le rectum du bout de l’index, avant de m’enculer, jamais il n’avait recouru à rien. À aucun de ces instruments dont Obélia m’avait fait quelquefois l’article dans une autre vie, ces sex toys sensés déclencher un méga orgasme, olisbos, pinces, smartballs, bullets, œufs vibrants, plumeaux. Et puis, tandis qu’il approchait, me cachant toujours son trésor, voilà que Monsieur semblait rire en silence ; je voyais ses petites dents éclatantes mordre le velours ondoyant de la demi-pénombre, ses pommettes un peu luisantes lever comme deux vagues, mais à peine si j’avais reconnu sa voix. Il venait pourtant de donner aux filles l’ordre de cesser leur ronde. Je n’étais pas victime d’une illusion : il riait et entre ses oreilles hautes, ses yeux étincelaient bizarrement, comme ceux des mannequins de cire qu’on aperçoit dans les vitrines de certains tailleurs du quartier juif. Il ne riait presque jamais, d’habitude, mais là, il riait, et il ne semblait pas encore résolu à me montrer ce qu’il tenait à la main. Il riait comme un démon.

— Vous me donnez le tournis ! a-t-il fini par lancer à l’adresse des autres.

 

Puis son attention s’est reportée sur moi. Toutes, autour de lui, s’étaient immobilisées, avant de reculer, comme décontenancées. La cérémonie vaudou avait viré à autre chose, je ne savais pas trop quoi.

— Avoue que tu es étonnée, Steffie, a-t-il fait soudain, redevenu sérieux. Et vous, là ? a-t-il ajouté, moqueur.

 

Il s’était détourné pour les toiser. Elles formaient un cercle maintenant immobile autour de nous. À l’évidence, elles ne savaient pas quoi faire. Étaient-elles également étonnées ? Et était-ce cela qu’il entendait leur reprocher ? Non.

— Qu’attendez-vous donc pour enlever ces chemises, vous autres ? N’est-elle pas toute nue, celle-là ? a-t-il demandé en me désignant d’un mouvement du menton. Je vous veux comme elle, OK ? Je vous veux toutes à poil, là, tout de suite. Devant moi. Comme celle-là.

 

Et c’est à cet instant précis, après qu’il a eu prononcé ces paroles en frappant à petits coups dans ses mains, que j’ai réalisé combien tout ça était vraiment réel. Cet épisode, oh ! Dieu miséricordieux, il m’était imposé de le vivre, à moi, Valliamé Cuiserie de Chantrin, progéniture de Maylis et de Baudoin Cuiserie de Chantrin, aristocrate sans titre assurément, mais peut-être princesse, si j’ajoutais foi, tout au moins, aux affirmations de maman. Et il est vrai que cette pensée — que j’étais peut-être princesse — m’a tout à coup traversé l’esprit. En tout état de cause, la situation était aussi réelle qu’incroyable. C’était donc ainsi que pour moi les choses devaient s’accomplir, au bout du compte, dans cette soupente au faible éclairage de misère, parmi ces boniches qui n’attendaient qu’un signal de leur Maître pour fondre sur mon corps. Monsieur l’avait désiré, me suis-je répété. M’en rendais-je compte comme je l’aurais dû ? Mais oui, puisque je m’y étais attendue depuis les confidences de Mlle Rossignol voire bien auparavant.

 

J’ai pensé de nouveau à m’enfuir. Mais pourquoi aurais-je fui, et pour aller où ? N’était-ce pas là l’ultime épreuve initiatique que Monsieur m’avait promise ? Princesse et putain, telle était l’évidence, me suis-je dit, le cœur battant. J’allais vivre ma véritable ordination. Quoi qu’il en soit, il n’était plus temps de s’en émouvoir comme je l’avais fait quelques jours plus tôt en découvrant, dans mon miroir, l’image ravagée de mon visage. Au contraire je devais être heureuse, et fière. Princesse et putain ! Je le savais, et c’est pourquoi j’avais renoncé sans regrets ni remords à mes petites culottes.

 

D’ailleurs, Monsieur n’aurait pas été content s’il était venu à apprendre que son esclave était malheureuse. Je ne doutais pas un instant qu’il n’eût prévu dans cette hypothèse des représailles adéquates et particulièrement terribles ni qu’il m’aurait débusquée de quelque cache où la fantaisie me serait venue d’aller me réfugier, si j’avais jamais eu le front de m’évader.

 

Les filles avaient instantanément réagi à l’ordre qu’il venait de leur lancer, en s’exécutant à la hâte. Maintenant qu’elles étaient nues, dans le jaune pisseux de la lumière, leurs chemises gisant sur le plancher près de ma propre robe abandonnée, elles faisaient cercle autour du lit d’où je les scrutais. À peine cependant si je les reconnaissais, sauf Xénia, que j’avais reconnue dès qu’elle avait paru dans le cadre noir de la porte. Mais aucun doute, nos sept bonnes étaient bien présentes. Je n’avais pas oublié les cheveux sombres, si beaux de Xénia : ils formaient deux gerbes denses le long de ses joues pâles. Et ce regard ! Étincelant, à fois timide et effronté d’Andalouse. Ses lèvres vermillon, renflées par le désir, s’entrouvraient sur une double rangée de dents d’une blancheur immaculée et son souffle soulevait en cadence ses seins hauts et fermes. Sa moniche rasée dessinait une ombre exquise à la fourche de ses cuisses qu’on devinait moelleuses, brûlantes, hospitalières. Comment avais-je pu me montrer si sévère, si intraitable avec elle dans un passé récent ? Adorable créature à laquelle je me serais soumise sans aucune réticence si elle m’en avait prié. Je me suis rappelé l’après-midi où j’avais pris son nom pour me présenter à ces soldats qui m’avaient sautée ensuite. Par quel cheminement de la pensée avais-je cherché plus tard à m’en dédouaner en l’humiliant devant son nouveau patron ?

 

Elle se tenait un peu à l’écart de ses compagnes. Au-dessus d’elle, sur l’image du calendrier publicitaire accroché au mur, un mannequin féminin en sous-vêtements, d’un même rose que ses joues, fixait le vide en affichant un air de pieux recueillement qui rameutait les souvenirs que j’avais gardés de certaines représentations sulpiciennes de jadis. Comme j’admirais la beauté plantureuse de Xénia, j’ai vu Monsieur s’approcher d’elle à pas de loup. Il s’était glissé par-derrière. Parvenu à sa hauteur, il lui a effleuré la hanche d’un geste furtif, comme il avait opéré avec moi une éternité auparavant. A-t-elle été surprise ? Ou inquiète ? Je l’ai vue remuer les paupières, comme si les yeux pouvaient parler. L’instant d’après, ses lèvres souriaient. Elle avait l’air reconnaissante, finalement, heureuse aussi qu’il lui accorde un intérêt qu’elle avait cru entièrement mobilisé par celle-là, allongée sur le lit de son Maître. L’intérêt de son Maître représente une telle récompense pour l’esclave. Et voilà qu’il lui soufflait à présent quelques mots dans l’oreille. Ce faisant, il pointait un doigt impérieux dans ma direction. Que disait-il ? Elle m’a jeté un regard rapide, mais elle paraissait hésiter, à moins qu’elle n’ait pas saisi ce que le Maître disait. Ses lèvres ne souriaient plus. Il me semblait que ses traits s’étaient altérés.

 

Finalement, elle a battu en retraite lorsqu’il a tenté de la forcer à garder dans sa main l’objet qu’il venait d’y placer. Non ! Non ! semblait protester son corps splendide, tandis qu’il essayait en vain de refermer ses doigts délicats sur l’objet. Elle a reculé à nouveau. Se heurtant au mur, elle s’est mise à trembler de la tête aux pieds. Ses seins oscillaient. Dans la lividité de son corps, les mamelons de ses seins, orientés vers moi, formaient deux larges cloques brunâtres d’une beauté saisissante, extraordinairement torride.

— Monsieur ! a-t-elle gémi.

 

Je me souviens qu’à la place du mannequin souriant, au-dessus d’elle, un carré blanc se découpait maintenant sur le papier de tenture râpé, et Dieu sait pourquoi j’ai pensé à un œil mort, aveugle, car cela n’y ressemblait guère. J’imagine que le calendrier s’était détaché de son clou quand Xénia s’était cognée au mur. La pauvre fille, acculée contre celui-ci, secouait vivement la tête, ouvrait de grands yeux d’animal traqué (— Monsieur ! Monsieur ! suppliait-elle d’un air désespéré, comme ses seins continuaient d’osciller ; ses cheveux, emportés par ses mouvements de résistance, virevoltaient devant ses joues). Je pense que je me serais volontiers portée à son secours si je n’avais craint la réaction de Monsieur.

— Eh bien quoi ? glapissait ce dernier, hors de lui, tout en la tirant par le bras. Qu’est-ce que ça signifie, hein ? De quoi diable as-tu peur ?

 

La scène n’a guère duré plus de quelques secondes. Le fouet a jailli entre eux avec la vivacité d’un serpent. Les autres, terrorisées, ont bondi en arrière. La lanière avait sifflé ; elle s’est abattue en produisant un claquement formidable, atterrant, dans le silence de la chambre. Mon cœur a fait un bond dans ma poitrine. Quelques secondes ont dû encore s’écouler avant que je ne réalise ce qui s’était passé. Mais en vain, dans la suite, ai-je tenté de relever une trace sur le mur ou sur le plancher. Je songeais à une tache de sang, à une preuve que tout cela avait été bien réel. Par une espèce d’ironie, j’ai cru seulement apercevoir à terre le calendrier qui s’était décroché du mur, le sourire du mannequin, ses sous-vêtements roses, son abondante chevelure retombant en volutes bouclées sur ses minces épaules. La créature que j’avais considérée avec perplexité tout à l’heure était à présent déformée, grotesque, chiffonnée sous les pieds nus de Xénia. J’ai relevé la tête. J’ai cherché sans plus de succès une marque quelconque sur le corps de celle-ci, une plaie, une meurtrissure qui témoigne de la violence du choc qui nous avait toutes consternées. Je ne comprenais pas. Je n’étais pourtant pas folle. J’avais vu et entendu. Toutes nous avions vu et entendu. Nous aurions pu le jurer devant un tribunal.

 

J’ai cherché notre Maître des yeux. Que signifiait cette mise en scène ? Et dans quelle mesure avais-je à m’en inquiéter ? Monsieur tournait déjà le dos à Xénia. Elle s’était laissé entre-temps glisser au pied du mur. Là, assise à même le plancher, les genoux haut levés devant elle, elle s’est enveloppé les épaules de ses bras frêles comme si elle avait froid ou qu’elle eût été une enfant. Je ne voyais plus ses seins. En revanche, en baissant les yeux, j’ai aperçu distinctement son ventre et l’adorable vallée s’encaissant depuis le cœur de son anus jusqu’à l’orée de son vagin ourlé de rouge tendre, épanoui comme une fleur. Il était clair qu’elle ne ressentait aucune souffrance physique. Le fouet ne l’avait pas atteinte. Toutefois, dans le même temps, il me semblait impossible que l’éclat de Monsieur, et le geste dont il s’était accompagné, aient été pure comédie. Car Monsieur était dépourvu d’humour. Il faut convenir au passage que les sortes de pratiques auxquelles il entendait nous soumettre les unes et les autres exigeaient de lui une tension par trop particulière, peut-être trop douloureuse à la fin pour laisser libre cours à l’expression de la moindre fantaisie. Le temps était révolu où il nous était arrivé lui et moi de nous rire ensemble de mes parents, par exemple, ou de Courbet. C’est que les choses n’étaient pas aussi cruciales alors qu’elles étaient appelées à le devenir peu à peu. En tous les cas, j’avais des raisons de le penser : parfois, peu manque sans doute qu’une araignée n’échoue à filer sa toile. En l’occurrence, elle était bien près d’y réussir.

 

Le plus petit manquement au décorum que Monsieur avait fini par nous imposer une fois pour toutes, le temps aidant, aurait peut-être introduit une brèche fatale dans l’autorité inflexible avec laquelle il se devait désormais de régner sur son harem, s’assurant ainsi contre toute tentative de la part de ses captives de s’y dérober jamais en quelque manière. Tout le monde sait bien qu’il n’existerait pas de dictature durable sans l’immuabilité des principes qui la fondent et des lois qui la protègent. Ce coup de fouet dans le vide, ce n’était donc pas une plaisanterie, tant s’en fallait. Monsieur était réellement en colère contre Xénia. Mais sa colère était froide comme, au plus profond de lui-même, un feu peut-être, s’il est possible qu’un feu, dans notre monde, puisse être froid ou glacé. S’il n’avait pas fouetté la pauvre fille, ce n’était pas par humanité, bien que la désobéissance — certaines l’apprendraient un jour à leurs dépens — puisse exposer la récalcitrante aux pires châtiments, du fouet à la torture — morale et physique, s’entend —, celle-ci pouvant être pratiquée au moyen de toutes catégories d’instruments, en tous lieux, à l’intérieur aussi bien qu’à l’extérieur, par et en présence de n’importe quel témoin. Oui, l’économie de nos rapports basée sur une double monnaie d’échange, exclusive de toute autre : ordre et obéissance, pouvait donner lieu à des pratiques tout bonnement catastrophiques. J’ai appris plus tard que bien des esclaves, bannies pour avoir désobéi, ont succombé à de cruels sévices que je n’aurais jamais osé concevoir dans ma vie antérieure.

 

Cette nuit-là, en renonçant à la moindre violence sur Xénia, il avait voulu notifier, et non pas seulement à elle, d’ailleurs, mais à nous toutes, y compris moi et peut-être surtout moi, que s’il s’en trouvait parmi nous qui pensaient pouvoir jamais se moquer de lui, elles se trompaient dangereusement et couraient au-devant des plus graves périls. Que nous ne nous y trompions pas. Il saurait, si besoin était, user de moyens dissuasifs pour nous plier à sa volonté. Ah ! Sûr qu’il saurait nous mater. Puis il s’est mis à ricaner, en promenant le regard autour de lui. Les yeux tels des braises, il a brandi alors devant lui ce que j’avais pris pour un fouet et qui n’était qu’un fil de nylon, un lien. Un lien !

— Sachez-le, mes petites salopes ! Sachez-le ! grondait-il en l’agitant comme un lasso dans notre direction. Vous m’appartenez désormais corps et âme, le comprendrez-vous jamais ? Corps et âme. OK ? Je tenais à clarifier une fois pour toutes les choses à l’intention de celles d’entre vous qui ne l’auraient pas encore tout à fait compris. Je veux l’obéissance. L’O-BÉ-I-S-SANCE TO-TALE !

 

Après cette philippique, qui a fait courir une onde de peur parmi nous, il a paru oublier Xénia et le lien, en retombant au bout de son bras, s’est dissipé comme un mirage. Il a fait signe à Nina de s’approcher de lui. Je ne connaissais pas cette bonne. Je suppose qu’elle travaillait aux cuisines ou à la buanderie. Je crois me souvenir que c’était Willy qui l’avait recrutée, comme Saoundra. Elle n’était guère plus âgée que moi. Une petite rousse un peu grasse, les mains enflées, les seins mous et ballottants, la monette noire et généreusement crêpue. Elle s’est avancée sur la pointe des pieds sous tous les regards fixés sur elle.

— Monsieur, a-t-elle dit.

Comme sa voix m’a semblé chevrotante, nasillarde !

— Attache-la comme je t’ai montré l’autre jour, a-t-il ordonné en me montrant du doigt.

 

Et c’est comme ça que je me suis retrouvée attachée quelques instants à l’armature de fer du lit de José Perduosa. Je n’ai d’ailleurs jamais su pourquoi. À ce moment-là, je ne me représentais pas la scène qui allait suivre ou je n’osais. Un trou noir prolongeait le lit devant moi. Le temps s’était immobilisé. Il me semble que j’ai vaguement songé à Mlle Rossignol. Sans doute collée à son mur, l’œil égaré d’une folle, ses petites mains maigres crispées au fond de la poche avant de son tablier à carreaux bleus. Le fait que Monsieur ne se soucie plus d’elle signifiait qu’il avait déjà pris sa décision pour la suite. Poignets et chevilles liés, j’étais étendue sous la tabatière. La nuit sans lune y scintillait comme un œil sans regard. Un ciel aveugle. Aucun secours à attendre de ce côté-là. En baissant les paupières, j’ai vu un corps, le mien, comme celui d’une autre, les deux coupoles de ses seins et sous son ventre, la forêt indisciplinée d’une chatte : on aurait dit ce corps sculpté dans la couverture en piqué. Puis j’ai pensé à Xénia, au châtiment qui lui avait été épargné quelques minutes plus tôt. Justement, je l’apercevais. Elle passait dans l’ombre. Je vis ses cheveux noirs flotter en découvrant la blancheur de son cou gracile. Elle avait dû entre-temps rentrer en grâce auprès de son bourreau. Alors elle s’était relevée et on avait dû exiger qu’elle vienne se joindre aux autres. Mais Monsieur, que j’ai cherché des yeux, est demeuré invisible. Il avait dû de nouveau se rendre à côté.

 

Ces pieds exsangues qui s’amassaient à nouveau sur le plancher, autour de mon corps paralysé, j’ai trouvé ça bien indécent. Était-ce là l’épreuve suprême qu’on m’avait promise ? Je ne comprenais pas. Jamais je n’avais subi pareil siège. Des mains irrévérencieuses, pour ainsi dire indiscrètes, nées des demi-ténèbres, s’étaient soudain agrippées à moi comme un escadron de sangsues, s’étaient mises à courir sur ma peau nue, la pinçant çà et là, ou la caressant. Certaines me pétrissaient les seins, travaillaient à en durcir les mamelons. Ce faisant, on m’embrassait le cou, les oreilles, la bouche. Une bourrasque d’haleines tièdes n’a eu dès lors de cesse de balayer mes lèvres entrouvertes.

— Hé, petite garce, tu aimes, hein ? Avoue, a murmuré une impudente, tandis qu’une autre s’extasiait :

— Ah ! Ta motte ! Ta motte ! Comme elle est brûlante ! Mais tu mouilles, Steffie. Une femme fontaine ? Tu es une femme fontaine, alors ? Voilà que tu bandes. Comme tu vas jouir, a-t-elle prophétisé, en tournant un doigt griffu dans mon méat comme on tourne une clef dans une serrure.

— Fini les grands airs, Mademoiselle ! l’a coupée quelqu’un qui m’avait chevauchée tout en se branlant sur moi à grand renfort de rebonds que suivaient d’étranges plaintes rauques. Tu es comme nous, maintenant, haletait-elle. Une sacrée petite pétasse, va. Ah ! Comme on va la faire hurler, la demoiselle ! Je te prie de croire que tu n’oseras seulement plus t’adresser à nous comme à des moins que rien ! Tu vas voir ça.

 

Et les sangsues grouillaient, grouillaient, toujours plus abondantes. Elles poursuivaient leur pèlerinage sacrilège, inexorable, pénétrant toujours plus loin dans le secret de mes intimités. Que faisait Monsieur, cette fois ? J’ai essayé un moment de redresser la tête, puis le buste, pour tenter d’échapper à l’assaut de ces insatiables tribades. Une étreinte m’a retenue. Hors de souffle, je suis retombée en arrière, défaite, humiliée. Était-ce de l’humiliation ? Un cri perçant et bref s’est alors élevé, comme quelque chose de particulièrement dur, après qu’on m’eut ouvert grand les fesses, franchissait l’anneau de mon luc en y faisant croître une vibration bizarre sans cesser d’enfoncer parmi les chairs, et que des bouches brûlantes, l’une après l’autre, prenaient possession de ma vulve dans le même temps en en fouillant un à un les plis du bout de la langue, y débusquant le clitoris, aspirant la tige avec fracas, la suçant, se gorgeant goulûment des assourdissantes secrétions. C’est moi qui n’avais pu m’empêcher de libérer ce cri. Nonobstant, le vibromasseur — qui faisait évidemment partie du lot d’objets que José Perduosa était allé chercher tout à l’heure dans la salle de bains —, au relief savamment vermiculé, avait continué sa route en moi tandis qu’on maintenait mes jambes levées et écartées, ma rosette grandement élargie faisant désormais face à l’espace. Car on avait pris le parti de détacher mes liens sur ces entrefaites sans que j’en aie conscience.

 

Les filles n’ont guère eu à en rajouter cette nuit-là pour me contraindre et me faire hurler, moi la fille de leurs employeurs aristocrates chargée de veiller sur elles en l’absence de ces derniers. Je les y ai même aidées de tout cœur. Parce que je crois devoir indiquer que la diablesse, faisant rendre ses dernières armes à la pitoyable Vallia n’a pas été longue à répondre aux invites réitérées de ces Lilith et autres Messaline en rut ! Je songeais à des succubes démentes. Elles ne tendaient visiblement que vers ceci : jouir, jouir et me faire jouir comme Monsieur avait dû leur en passer la consigne. Autre certitude : mon cri a marqué le signal d’un premier orgasme. Souffrira-t-on jamais d’un orgasme ? Non. Voilà la vérité. Quelle diablesse docile j’étais devenue ! Une main éhontée continuait de faire aller et venir l’instrument engagé dans mon cul. Or les vibrations, maintenant exacerbées au prorata de l’accélération du mouvement, n’avaient pas tardé à gagner le reste de mon corps, à abattre à son tour chacune de mes digues s’il s’en trouvait encore, à se communiquer à tous mes replis, tous mes interstices.

— Ouvre-toi davantage ! m’a ordonné une voix que j’ai identifiée : c’était celle de Saoundra, la domestique malgache à qui était dévolu le service de mes repas solitaires dans le petit salon du rez-de-chaussée (c’était donc elle qui manœuvrait le gode). Ouvre ! insistait-elle. Ouvre, ma chérie ! me suppliait-elle avec une frénésie d’envoûtée.

 

J’ai obéi, puis j’ai crié une seconde fois. J’étais ivre. Quelle extase me procurait le zèle de ma bonne ! Je me sentais sur le point de rendre le dernier soupir, puisque d’âme je n’avais sans doute plus : si je songeais à un ciel, où il me semblait flotter, j’avais oublié son Dieu. La tabatière était toujours aussi déserte. J’avais peine, de plus en plus, à respirer. Je gigotais sous ces corps frénétiques en proie à des halètements et à des convulsions qui avaient atteint à leur paroxysme. Certaines, au demeurant, criaient, elles aussi, en se branlant de sorte que nos cris finissaient par se mêler en un chœur unanime de harem en joie. J’ai essayé à un moment de happer entre mes lèvres humides une aréole fongiforme se balançant au-dessus de moi comme un minuscule pis de vache, puis, d’une main, j’ai tenté d’attirer à moi l’ombre d’une foune d’un aspect sauvage attendrissant, tandis que de l’autre, je caressais à son fugace passage une fesse d’une admirable blancheur de lait avant de pointer une langue gourmande vers un anus, lequel s’était complaisamment ouvert de lui-même telle une méduse dans les abysses devant ma bouche levée en entonnoir.

— Stop ! a hurlé une voix, faisant cesser la parfaite synchronisation des séquences.

 

Était-ce Monsieur ? Oui. Sans doute l’avions-nous toutes oublié, je n’exagère pas : j’en aurais juré à considérer l’expression de stupeur qui s’était peinte sur nos visages. Un vent de panique a fait circuler un nouveau frisson sur toutes ces épaules moites, fines, serrées les unes contre les autres. Je nous vois toutes statufiées, entrelacées comme des amours de Rodin, marinant dans nos foutres mélangés, soudain paralysées autant par la frayeur que par la densité du silence. Seule Xénia s’est échappée. Je l’ai vue trotter sur le plancher. Ses fesses se sont englouties dans le noir. Où se rendait-elle ? Ce silence subit ! Nous ne savions plus que faire, ma foi. Nous n’osions plus bouger. L’oignon, que je m’apprêtais à sucer, s’était ratatiné sur lui-même puis, clos sur son irrévocable secret, s’était évanoui dans la demi-nuit. Xénia avait disparu en même temps que ses fesses. Le godemiché, dans mon trou, semblait essoufflé : il n’y bougeait plus d’un millimètre malgré le vrombissement électrique qui s’est poursuivi quelques secondes encore, inutile et insensé, avant de s’interrompre. Quelle frustration. Tous les gémissements s’étaient tus.

 

Nous attendions, haletantes. Nous étions déjà prêtes à implorer le pardon de notre Maître. Plusieurs minutes avaient dû se succéder depuis que Monsieur était sorti de notre vue pour revenir. Pour ma part, j’avais renoncé à le chercher davantage des yeux. Oui, sans doute l’avions-nous toutes oublié quand l’injonction nous a fait tressaillir. Quelle heure était-il ? Probable, m’a-t-il semblé, que la plus grande partie de la nuit était maintenant achevée. Quatre heures ? Cinq heures ? Aucun réveil à portée de regard, dans le voisinage. La sourde d’à côté devait s’être assoupie depuis longtemps. Le jour ne tarderait pas à poindre au-delà de la lucarne. Je me suis dit que le ménage ne serait sans doute pas fait ce jour-là chez les Cuiserie de Chantrin. Ça a été plus fort que moi. Je n’ai pas pu me défendre de le craindre comme si notre avenir avait dû en dépendre. L’image de maman venait inopinément de me traverser l’esprit. Ma chère maman, si loin, endormie dans l’un des palaces les plus renommés de Big Apple. Mais penser à maman en pareilles circonstances, à tout ce ménage qui ne serait pas fait, à ces poussières qui ne seraient pas ramassées, à ces cuivres qui ne seraient pas frottés, il y avait de quoi s’étouffer de rire.

 

Mes instructions auraient-elles été écoutées si j’avais eu l’audace d’en distribuer ? Heureusement, ai-je songé, elle ne saurait jamais. Je pensais à maman. Jamais ! Cela me rassurait. Cependant, si je pensais aussi au danger auquel nous exposait l’espionnage de Mlle Rossignol… C’est que je n’avais pas aussi peur de Monsieur que les autres, moi : si j’avais peur, c’était d’autre chose. Au fond, aussi ridicule que cela puisse être, avec le recul, je croyais encore à l’époque que j’avais davantage à craindre de maman que de mon Maître. Comme je l’avais toujours crainte plus que mon père. Comment réagirait maman si jamais l’épisode de cette nuit venait à lui être relaté par la vieille bonne ? me suis-je demandé. Ne me chasserait-elle pas après avoir discrètement donné son congé à M. José, sans préavis, comme elle le pouvait, et remplacé peu à peu toutes nos filles ? Un sort identique à celui d’Obélia ne m’attendait-il pas, pour le coup ? Qu’aurais-je eu par contre à redouter de mon Maître ? La situation était on ne peut plus simple. S’agissant de lui, une seule préoccupation absorbait désormais toutes mes facultés : ne point le décevoir.

 

Il m’avait assez témoigné sa confiance pour que je n’éprouve jamais plus grande joie que d’avoir à le servir en m’émerveillant chaque fois du sourire dont il me gratifiait ensuite, empreint tout ensemble de satisfaction et de gratitude et, j’osais le souhaiter non sans y mettre un peu de fierté, d’un début de tendresse, sinon d’amour. J’adorais tant lui faire fête et qu’il soit fier de moi, si possible. Pour cela, en esclave assumée, il n’était nécessaire que d’obéir au moindre de ses désirs, voire de le devancer en m’offrant à lui selon la manière qui lui tenait à cœur. De lui, je n’aurais eu qu’à craindre une lassitude et un bannissement dont il dépendait de moi seule de me préserver.

 

livre érotique histoire véridique

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Voilà qu’il venait de réapparaître alors que nous, pauvres gourdes, nous l’avions zappé, toutes à nos orgasmes et à nos éjaculations. Son phallus se profilait sur le mur, aussi roide qu’un alpenstock. Par une improbable illusion d’optique, il m’a paru tout à coup d’une taille qui défiait toutes les normes anatomiques. Cela m’a semblé bonnement être l’effet d’un prodige que son propriétaire puisse se tenir debout malgré cela et continuer à se mouvoir parmi nous sans peine apparente, d’autant plus qu’il n’était pas impossible qu’il fût sur le point de décharger. Jamais je n’avais admiré un tel phénomène, assisté à un tel miracle. Je me suis représenté une divinité antique dédiée à la copulation. Je n’aurais pas été surprise de le voir s’envoler avec son engin ou se transformer en Minotaure. Xénia avait refait son apparition. Sa nudité de sylphe s’éclaira une seconde en traversant le rai lumineux de la lampe. Elle le suivait à quelques pas comme une bête apprivoisée se tient prête à se rendre aux ordres.

 

Lorsqu’il s’est trouvé à proximité du lit, il a repoussé Saoundra d’un geste : en l’empoignant brutalement par son cou, qui était pourtant large et puissant. Et j’ai l’impression, tandis que j’écris ces lignes, de retrouver inchangée en moi la sensation produite par l’olisbos. La Malgache n’avait pas pu esquiver le geste de Monsieur, évidemment. Elle avait basculé à bas du lit, emportant ce don Juan d’Autriche dans une dégringolade comme on n’en fait guère ; rien que d’écrire ces lignes, je ressens au trou la même brûlure qu’alors, fulgurante, aussi délicieusement douloureuse qu’aux premières sodomies péchant par manque de beurre ou de vaseline — comme si l’objet en ressortait à nouveau à la manière d’un bouchon de magnum de champagne. Oui, la même brûlure que lorsque Saoundra l’avait dans sa chute arraché hors de moi. Perduosa, qui s’était immobilisé entre-temps, s’était tourné cependant vers Xénia. Sa pine turgescente, entre-temps, était devenue cyclopéenne. Elle le cachait presque à notre vue. Oui ! Il était bel et bien passé derrière. Indifférent à la chute de Saoundra, il glapissait, tout en me désignant d’un doigt impétueux :

— Châtie-la ! Châtie-la ! Va !

 

Xénia, docilement, l’a dépassé. C’était elle ; je l’avais bien reconnue. Ses boucles, son cou, le satin de sa chair. Tout en s’approchant, elle m’a lancé un regard flamboyant, d’une douceur étrange, peut-être perverse. Elle m’a rappelé Obélia. C’était souvent ce regard dont mon amante m’enveloppait chaque fois que m’ayant entraînée dans son loft après les cours, rue Cardinal Lemoine, elle voulait me faire comprendre qu’elle avait envie de me soumettre. À l’instar de ma très chérie, Xénia avait une toute petite bouche animale sans cesse altérée, gonflée de désir. Un nez fin et droit. Le tremblement de sa poitrine sublime s’accordait parfaitement au mouvement de ses hanches tandis qu’elle grandissait dans le halo de l’abat-jour. J’étais scotchée par sa sensualité, j’en ai eu le souffle coupé. Un instinct mal répressible m’attirait vers elle. Nous sommes pétries dans le même levain, me suis-je dit. Aussi ardentes l’une que l’autre. Dédiées à l’extase. J’avais dix-huit ans, et elle pas plus de vingt ; j’ai pensé à tout l’amour qu’à ces âges l’on est avide d’offrir et de recevoir.

 

Certainement elle n’avait pas oublié le matin où je l’avais tancée sous un faux prétexte. Mais aurait-elle le front à présent de me le faire payer, comme Monsieur lui en offrait l’opportunité pour la seconde fois ? Tout en ayant le cran de suivre son injonction ? J’ai cru apercevoir la lanière d’un fouet dans sa main. Ah ! Mais non ! Non ! Que croyais-je ? Cette séquence-là était finie. Je me trompais, je m’étais laissé abuser par le mauvais éclairage. Elle avait les mains nues. Pas de fouet. Rien. Rien que son corps, allons. Un moment plus tôt, elle m’avait étreinte avec les autres. Elle m’avait embrassée, léchée, sucée, doigtée. J’ai évoqué avec délice son anus. Elle me l’avait offert en se disposant en levrette devant moi sur la couverture en piqué, avant de s’éclipser ; ce faisant, elle m’avait révélé la profondeur d’une trouée surnaturelle où j’aurais plongé sans renâcler si je n’avais été solidement retenue sur le lit comme sur un bûcher par ses compagnes, parce qu’elles étaient jalouses. Et maintenant, Xénia allait me châtier.

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Je l’avoue : j’étais émerveillée. Si j’avais à souffrir, que ce soit d’elle au moins ! Mais, oui, aurait-elle le cran ? J’ai redouté le pire. Mon regard est resté suspendu au sien. Je l’ai finalement détourné vers Monsieur, non par timidité, certes : j’attendais qu’il fournisse à mon adresse quelque explication sur le châtiment que la fille devait m’infliger, et que pour elle il ne lésine pas sur le détail des conséquences, au cas où elle n’obéirait pas. Je craignais trop en effet que la malheureuse ne succombe à nouveau à la pusillanimité, me frustrant ainsi. J’ai dû déchanter : il a gardé le silence. Ce qui fait que ma crainte a augmenté. J’en ai tremblé. Les autres, d’un commun accord, se sont à nouveau égaillées aux quatre coins de la soupente. Tout le monde se tenait coi. N’était cette crainte, j’étais tellement excitée ! Peut-être n’a-t-elle pas pesé pour peu dans l’intensité de mon excitation. L’interruption inopinée de nos ébats, quand Monsieur l’avait ordonnée, l’avait décuplée. Je n’avais cessé de juter et l’image de cette chair parfaite, qui me semblait promise, celle de ces tétons, de ce minou glabre dont la boutonnière en redan surplombait sans façon le clair-obscur de la modeste pièce, me rendaient folle, folle en portant mon désir à son point d’incandescence. Oui, j’avais besoin de quelques grains d’ellébore.

 

Aussi ai-je rassemblé le peu de forces qu’il me restait dans ce moment à tenter de ne pas le laisser paraître pour ne pas démériter. Surtout ne pas démériter ! Facile à penser. Je m’étais mise martel en tête d’être à la hauteur. Des larmes me sont venues, d’ailleurs, tant mon espoir était grand d’y parvenir. Cependant, je suis arrivée à les refouler. Tout de même est-ce la vue confuse et les paupières brûlantes que je l’ai vu, ce chef-d’œuvre de la nature penchant enfin le buste sur moi. D’abord, je ne me suis pas bien figuré ce que Xénia allait faire. Quoi qu’elle ait eu le projet d’entreprendre, je n’ai pas manqué de remarquer avec consternation qu’elle s’y prenait fort mal, non par incompétence au surplus, mais comme si elle n’osait s’y prendre bien. Ah ! Hélas ! Hélas ! Il était écrit que ma crainte serait fondée : sa pusillanimité manifeste lui interdisait toute initiative individuelle. Elle était sur le point de toucher ma hanche. Elle tendait déjà vers moi un bras aussi délié qu’un tentacule, une main adorable… soudain, elle abandonnait… se dérobait… rétractait son bras… reculait… Mais voilà que mue tout à coup d’une énergie nouvelle, elle se ressaisit. Elle se porte en avant d’un élan inattendu. De mon côté, comme mon attention s’est reportée sur elle, je m’efforce par tous les moyens dont je garde provision — mais ils sont si faibles, quand mon excitation est près de me faire perdre le contrôle de moi-même ! —, de lui témoigner, oui, un total consentement : par conséquent, j’écarte davantage les jambes, m’arque dans le dessein de rendre plus accessible ma fouffe, en salope que je suis. Que veut-elle tenter ? C’est que la diablesse commence à piaffer d’impatience, là, dans sa caverne.

 

Impossible que le clapotement significatif de mon jus ne l’ait pas avertie de cette impatience : je mouille, ma petite, et comme jamais, tu entends ? Maintenant, je ne la quitte plus des yeux ; je souhaiterais tant être en mesure d’infuser dans les siens toute la force de ma détermination, sans oublier toute la tendresse que je ressens pour elle. Je m’y essaie de tout mon cœur, mais bien entendu j’y échoue. Alors, simplement, je murmure :

— N’aie donc pas peur, mon chou… Vas-y, merde ! Châtie-moi comme tu en as envie. Notre Maître l’exige. Je l’ai bien mérité. Je suis bien certaine que tu n’as pas oublié l’injustice dont j’ai fait preuve à ton égard. Gifle-moi ! Cogne ! Cogne donc !

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Sans doute elle n’avait pas oublié. Elle y a gagné toute la force que j’avais été incapable de lui prodiguer autrement. Pour preuve, elle m’a retournée tout à coup sur le ventre avec une énergie insoupçonnée et au lieu que je l’avais crue une seconde sur le point de me fister, elle m’a administré une de ces fessées ! J’ai souffert ainsi cette fois-là de la plus merveilleuse offense de ma vie, et finalement de l’outrage le plus jouissif. Toutes les bonnes m’observaient sans broncher avec ce sentiment d’envie authentique qu’on devine à un certain éclat des yeux. Et Xénia continuait sans coup férir. Elle continuait de me fesser, de me fesser dans le silence et l’immobilité de la pièce, et le silence et l’immobilité retentissaient délicieusement de ce fracas que l’impact de sa main en proie à l’oubli d’elle-même produisait sur mes fesses brûlantes en s’y aplatissant en cadence. J’y tirais un bonheur sans mélange, comparable, pour ainsi dire, à celui qui lui a succédé quand Monsieur, incapable de contenir davantage sa propre excitation, l’a bousculée négligemment dans l’idée de m’enculer avec l’appétit furieux d’un verrat, sans se préoccuper autrement de tous ces regards braqués sur nous dans l’obscurité. Pauvre Mlle Rossignol ! Comment mon extase n’aurait-elle pas arraché cette pauvre doyenne à son sommeil, cette nuit-là ?

 

Auteur : Déodat de Montclos

Année de parution : 2016

Éditions Dominique Leroy

Roman numérique

370 pages

Prix : 7.99 €

 

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